[Plage d'Ala Moana] When the Doctor needs to be Saved

Mon enquête sur ces trafiquants d’organes avance doucement, mais, à chaque fois que je coupe une tête de cette fichue hydre, deux autres repoussent. C’est un peu agaçant, ça l’est même carrément, et je ressens la souffrance de ces âmes en peine, la douleur de ces victimes qui réclament vengeance. Et, là, je me retrouve dans cette ville humide, tout ce que je n’aime pas. Ces truands ne pourraient pas avoir choisi une cité plus accueillante, et moins animée ?  Comme Oulan-Bator, où j’aimais passer du temps.

Je mets mes solaires, et mon chapeau, ainsi qu’une tenue criarde dans le style de ce que mettent les autochtones, et quitte mon appartement, non sans avoir jeté un œil sur le tableau avec les cibles que j’ai. Ma source a été claire, une des têtes pensantes de l’organisation devait retrouver un de ses tueurs et un repenti qui les a balancés aux forces de l’ordre, et, malheureusement pour lui, à un flic ripou.
Je marche le long de la rue qui descend de chez moi, et qui m’amène sur la plage. Tous ces gens qui se prélassent sans trop se soucier de quoi que ce soir, à gâcher leur temps, alors qu’ils pourraient le passer sur des choses tellement plus constructives. Mais, qu’y faire ?

Mes pas m’amènent sur une autre petite plage, un peu plus discrète, qui donne sur la falaise. Là où se trouve, selon mon informateur, le rendez-vous. Je m’installe dans un coin discret, et j’attends que les cibles n’arrivent.
Une heure passe, puis une seconde, et, toujours rien. Dave s’était t’il trompé ? Au bout d’un moment, alors que je m’impatiente, je vois deux agents de Police débarquer, accompagnés d’un individu suspect. Ca n’avait pas l’air d’être mon objectif, d’ailleurs les trois se séparent et repartent dans des directions opposées.
Un peu agacé, je ressors de ma cachette, pour me retrouver face à mon informateur, Dave. Il me menace avec un révolver.

- Bonjour Josh, désolé pour toi, mais on m’a proposé bien mieux pour t’éliminer. Alors, entre un million de dollars, et profiter de ma famille, ou bien t’être loyal et les voir mourir pour pas un rond, tu comprendras que mon choix soit vite fait. Même si tu m’avais sauvé la vie.

Je le regardai avec un air de pitié, il ne savait pas dans quel pétrin il se mettait.

- Dommage pour toi, ça va te couter cher, ce pacte avec le Diable, mais, c’est ton choix.

- Non Josh, c’est à toi que ça va coûter la vie. Szpinelli va me récompenser, et on t’aura vite oublié.

- Si tu arrivais jusqu’à lui, crois tu qu’il te laissera en vie ? En plus, tu viens de me donner le nom de ton commanditaire, tu te rends compte ?

- Je m’en fiche, vu que tu vas mourir !

Je le vois me viser, mais, ce qu’il ne sait pas, c’est que la zone est assez dangereuse, et que la roche est instable. Je m’avance d’un coup vif dans sa direction, le faisant instinctivement reculer, marcher sur un bout de pierre friable, et tomber en arrière, se brisant la nuque instantanément. Malheureusement, le coup part et me touche à l’épaule, dans une violente brûlure. Je sens ma vie s’affaiblir, et m’assois rapidement en saisissant mon médaillon.

Je me relève, après quelques minutes, et je regarde mon épaule. La balle a traversé, c’est déjà ça. Il faut que je retourne à mon appartement, me soigner, cautériser cette blessure. Quelques centaines de mètres, ce n’est pas la mer à boire, enfin je crois. Je me dirige vers la petite plage de tout à l’heure, lentement, pour ne pas aggraver l’hémorragie, mais je sens que j’aurai du mal à arriver à mon but, et tout se met à tourner autour de moi. Merde, j’ai déjà perdu trop de sang. Ce blaireau a du toucher une artère.

Je me rassois, et compresse fort la blessure avec ma main. Il faut juste que j’arrache un morceau de ma chemise, et que je me fasse une compresse. J’en ai vu d’autres. Mais, pour le moment, reprendre un peu des forces, avant d’être en mesure de faire ça. J’ai besoin d’y voir normalement.

Combien de temps s’est écoulé depuis que j’ai pris ce pruneau ? J’ai perdu le compte. Et je sens que quelqu’un s’approche. On m’aurait remarqué ? Pas possible.
Et cette personne me parle ?

- Luana ? Qu’est ce que tu fais là ?

Je ne suis pas trop en état de répondre, alors, je garde mes forces, et ne cherche pas à résister, pour permettre à mon corps de récupérer. Mais j’enrage intérieurement, je ne supporte pas qu’on me vienne en aide, ce n’est pas ma nature, et ce n’est pas mon rôle en ce monde.

Ma chemise, mais je comptais déjà la sacrifier, vue la dentelle que Dave avait faite avec. Dave… Dire que je lui avais sauvé la vie, et lui, en retour, avait tenté de me prendre la mienne. Et, comment est ce possible, que son commanditaire soit au courant de mon existence ?

Je sens ma blessure qui cicatrise, dans une brûlure, un peu comme la cautérisation que je comptais faire, en moins douloureux. Puis, je sens qu’elle me soulève et m’emmène quelque part, puis, je me retrouve, toujours un peu dans les vapes, affalé dans une sorte de fauteuil, d’une texture assez confortable.  Puis, je sens qu’elle intervient sur ma blessure, la brûlure du produit désinfectant.

Je repense à ma conversation avec Dave. Dès que je serai remis, je partirai en quête de ce Szpinelli, ce sera entre lui et moi, désormais, ça devient une affaire personnelle. Garde la tête froide, Josh, tu as vu ce qu’il s’était passé, tu as fait confiance à quelqu’un, et ça a failli te coûter la vie. Désormais, tu le sais, tu ne peux compter que sur toi-même. Alors, quand elle me demande qui m’a mis dans cet état, je ne peux que murmurer une vague réponse.

- Ne t’inquiète pas pour ça, tu crois qu’il aurait pu me mettre dans cet état, et repartir en vie ? Son corps repose sur la plage derrière un promontoire, nuque brisée. Si ça t’amuse de faire disparaitre les traces.

J’essaie d’ouvrir les yeux, mais je n’en n’ai pas trop la force encore, pour le moment. Mon corps a besoin de ressources de concentrer toute ses forces autour de cet impact de balle pour le soigner. Par contre, je ne me sens pas au mieux, j’ai besoin de me réhydrater.

- Tu n’aurais pas un truc à boire, s’il te plait ?

De l’eau devrait accélérer un peu ma guérison, il le fallait, je dois être rapidement opérationnel, avant que ma cible ne découvre que son tueur était au tapis, et qu’il ne prenne des mesures, voire ne disparaisse dans la nature. Ca pourrait prendre des mois pour le retrouver, et, d’ici là, nombre d’innocents y perdraient la vie. Je ne pouvais pas laisser faire ça. Non, il faut que j’y retourne, et au plus vite, maintenant que j’ai une piste solide, je ne dois pas la laisser filer.

Je sens l’eau pénétrer doucement mon corps, réactiver les cellules, ma guérison va aller dans le bon sens. Bientôt, je vais pouvoir passer à l’action, mettre un terme à la tyrannie de cette organisation, ne plus les laisser faire le mal. Mais, je dois absolument le faire seul, je me refuse à remettre la vie de qui que ce soit d’autre en jeu, et, surtout, je ne dois pas laisser le moindre risque de fuite, qu’ils ne sachent jamais que je suis sur leurs traces, avant qu’il ne soit trop tard pour eux.

Même dans un état second, comme je suis, fatigué, j’entends ses paroles, ou plutôt ses remontrances. Oui, elle a raison, en effet, je ne veux pas que quelqu’un tienne à moi, parce que je sais ce que c’est que de perdre quelqu’un à qui on tient, et je ne veux en aucun cas n’infliger cette blessure à quelqu’un, et surtout pas à elle.

Je l’écoute, qui me parle, qui me fait étalage de ses états d’âme, je comprends ce qu’elle veut dire, mais, je ne comprends pas pourquoi elle recherche la compagnie d’un vieux rustre tel que moi. Je n’ai rien à lui apporter, si ce n’est souffrance et désolation. Et là, c’est mon combat, j’ai un compte à régler avec cette organisation, et je ne compte pas faire les choses dans les règles ! Et quand elle me parle de ce que je lui ai apporté, de ce qu’elle a appris à mon contact, de faire le bien, si elle savait le pourquoi de ma traque, et ce que je m’apprête à faire, je me doute qu’elle comprendrait que je suis tout sauf un modèle. Et que ce mode de vie qu’elle a acquis, qu’elle croit que c’est grâce à moi, alors qu’en réalité, c’est juste ce qu’elle a toujours été, sa vraie nature qui a pris le dessus sur le reste. Et je ne veux pas l’entrainer là-dedans, pas dans un cercle de vengeance et de mort !

Je lui murmure doucement, avec un faible sourire.

- Mais, tu es déjà en train de m’aider, il me semble, et tu ne m’as pas laissé mon mot à y dire

En revanche, il va falloir que je trouve un moyen d’éviter de l’avoir dans les pattes lors de mon intervention prévue contre l’organisation, l’envoyer sur une fausse piste, peut-être ? Ou simplement voir si son employeur n’a pas une mission à lui confier quelque chose qui lui permettra de s’occuper à son travail, en me laissant faire le mien. Mais, pour le moment, le plus important, ce sera de récupérer, d’être en mesure de faire mon travail, sans le mettre en péril à cause de souffrance, d’un manque de lucidité ou de recul. Cette organisation disparaitra, j’en ai fait le serment, et j’irai jusqu’au bout.

Je serre sa main, en ménageant mes forces, pour la remercier d’être là. Même si, je ne veux pas qu’elle se fasse d’illusion, sitôt que j’irai mieux, sitôt que cette affaire sera réglée, je quitterai cette horrible ville et disparaitrai de nouveau pour un coin moins animé qu’ici.

Je me souviens de notre première rencontre, oui, je l’avais aidée, car c’était ce qu’il fallait que je fasse, et même si je devais le refaire mille fois, je le referai à chaque fois, et je ne le regretterai jamais. Mais en aucun cas, je ne l’avais fait pour avoir une quelconque gratitude, comme toujours, je venais, je faisais ce qu’il fallait faire, et je repartais. C’était ma mission, ma vocation, et ma malédiction, ça l’est toujours, et ça le restera jusqu’à la fin, jusqu’à ce que je me retrouve libéré de ma mission en arrivant à la fin de mon parcours.

Je l’écoute, elle pense naïvement avoir cerné ma situation, mais il n’en n’est rien, elle ne sait pas pourquoi je les traque, quelles sont mes véritables raisons. Je me suis sans doute perdu en chemin, elle a raison, sur ce point je me trouve sur la ligne jaune, perdu entre deux orientations, est ce que j’e suis en train de vouloir la justice, ou bien simplement la vengeance ?

Puis, je repense au spectre du puits, je repense à toutes ces âmes perdues qui demandent justice, qui demandent que leurs meurtriers soient sanctionnés. Je pense aussi que la justice des hommes est trop corrompue pour la leur rendre. Aussi, la seule justice est désormais celle de leur créateur. Et, mon rôle est simplement de faire en sorte qu’ils ne puissent plus jamais nuire.

Au-delà de toutes mes réflexions, j’entends les paroles de Lu, qui me parle de tout ce qu’elle a dû traverser, des situations de vengeance dans lesquelles elle a dû se mettre. Je comprends qu’elle en avait bavé, et je la respectais d’autant plus d’avoir gardé son intégrité, d’être restée une personne bien. Les personnes qu’elle avait tuées, elles le méritaient, elles avaient vécu par l’épée, elles étaient mortes par l’épée. Mais, dans son discours, si je ne fais pas erreur, compte tenu de mon état, je crois déceler qu’elle n’en peut plus, qu’elle en arrive à un moment de sa vie, ou inconsciemment, elle aimerait pouvoir se poser. Déposer son fardeau, et elle mériterait ce moment-là.

Comme pour tous ceux qui agissent comme elle, il va fatalement arriver un moment où elle ne le supportera plus. Certaines personnes, comme moi, se battent depuis des millénaires et encore plus, ont croisé des créatures tellement maléfiques qu’une personne normale n’en n’aurait plus jamais dormi, et, pour certaines, il m’avait fallu des années pour encaisser le choc, et j’ai eu des moments de doute. Mais j’ai réussi à tuer ces sentiments, à devenir une personne tellement froide que tout ça gèle à l’intérieur. Et cette existence, je ne la souhaite à personne, et surtout pas à elle.

Je la sens qui me saisit, qui me frappe contre le mur, au risque de rouvrir la blessure, mais, quelle importance. Si mon heure est venue, alors…

Puis, elle me parle de la mort, mais, elle ne comprend pas non plus ? La mort d’une créature, quelle qu’elle soit est inéluctable, personne n’est définitivement immortel, quelle que soit l’apparente invulnérabilité qu’on puisse avoir. Et, pourtant, j’en ai vues des créatures qui semblaient immortelles, et invulnérables, aucune n’est plus là. L’une d’entre elles était même intangible, et pourtant, quand son heure est venue, la faucheuse est venue pour elle aussi. Alors, quand la mienne sonnera, je l’accueillerai, j’y suis préparé depuis longtemps, je ne la fuis pas, ce serait même plutôt le contraire. La faucheuse et moi, nous sommes de vieux compagnons, elle m’accompagne, car souvent, c’est moi qui la nourris, qui lui apporte des âmes maléfiques à se mettre sous la dent, alors, pour le moment, elle ne va pas tuer sa poule aux œufs d’or.

Je repense à autrefois, quand j’étais plus jeune et plus belliqueux, quand, bien avant l’apparition des humains, des vampires et, alors que les règles étaient différentes, que les rapports de force n’étaient pas la même, lorsque l’ouroboros voulait s’abattre sur le monde, les créatures dont j’avais dû me défaire, chacune d’entre elles étaient supérieure à moi, en force et en intelligence. Et pourtant, aucune d’entre elle n’est plus là, pourquoi, parce qu’aucune d’entre elle n’était prête à mourir, et agissait avec la peur de celle-ci. Ces peurs, que j’ai chassées de mon esprit, gelées au fond de moi, avec mon cœur, avec tout ce qui me faisait souffrir autrefois.

Je me retrouve projeté dans un coussin, et je finis par rouvrir les yeux, et lui répondre, parce que je comprends sa réaction, je comprends son inquiétude, mais, il faut qu’elle me comprenne, elle aussi.

- Tu as sans doute raison, je n’agis que par vengeance, que parce que, parfois, même pour moi, il se passe des choses qui sont au-delà de l’acceptable, au-delà du tolérable. Et, parfois, pour faire ce qui est juste, il n’y a nul autre choix que d’aller à l’encontre de ses convictions. Je te comprends, je sais que tu t’inquiètes, mais je suis sur cette terre depuis si longtemps… Un jour, ça s’arrêtera, mais, je sais que le monde n’aura rien à craindre, car il restera protégé, par des personnes telles que toi, mais, en attendant, il est de mon devoir de faire en sorte de protéger ce monde, et ses habitants, c'est mon fardeau, et il deviendra le tien, bien assez tôt.

Je me redresse, et saisis sa main, en la regardant dans ses yeux, d’un regard perçant. Tant pis, je vais laisser tomber les boucliers pour le moment

- Tu n’imagines pas à quel point je suis fier de toi, à quel point je te respecte, pour ta droiture, ton courage, et les actes que tu accomplis en dépit de tout ce que tu as traversé. Mais, j’ai des millénaires d’existence, derrière moi, et des créatures terrifiantes, j’en ai vues, et, sans te manquer de respect, j’en ai vu tomber des beaucoup plus puissantes que toi, alors, je m’inquiète, surtout quand tu me dis que tu te penses invincible, c’est dans ce genre de situations qu’on finit par se faire surprendre, et souvent par celui qu’on ne s’attendait vraiment pas. Ce qu’il m’est arrivé sur cette plage, je me suis fait surprendre par quelqu’un que je pensais inoffensif. Et je ne supporterais pas qu’il t’arrive quelque chose.

Je lui souris faiblement.

- Mais, si tu le souhaites, quand tout ceci sera réglé, quand j’en aurai fini avec ce problème, je pourrai rester ici, dans cette ville, même si elle me déplait beaucoup, quelques temps avec toi.

Je craignais cependant de la faire souffrir encore plus, le jour où je serai appelé vers une autre mission ailleurs, loin d’ici, quand il me faudrait partir, disparaitre du jour au lendemain.

Je la regarde, un peu amusé, surpris aussi par tant de détermination. Et je comprends que, pour le moment, je n’arriverai pas à m’en défaire, que même si je lui dis non, elle me suivra quand même, persuadée qu’elle sera que je ne m’en rends pas compte. Et, cette pensée me tire un sourire, je pourrais bien jouer avec ça, la contrôler pendant qu’elle croit le faire, éviter qu’elle ne prenne trop de mauvais risques, mais, finalement, je rejette cette idée, parce que j’ai trop de respect pour elle, et aussi, parce que je ne peux pas me permettre d’être sur trop de fronts en même temps. Et puis, peut être qu’elle pourra m’éviter d’être trop dévoré par cette colère qui me hante depuis ce funeste moment.

- Bon, puisque je n’ai pas le choix, alors, d’accord, mais je te propose de faire équipe, plutôt, ça sera plus simple pour moi de t’avoir à côté, plutôt que de te savoir en franc-tireur, et m’inquiéter de ce que tu fais et ce que tu as compris de la situation. Parfois une simple incompréhension peut tout mettre par terre.

Ça m’embête de parler de mes objectifs, mais, il faut qu’elle sache dans quoi elle risque de mettre les pieds, ainsi, elle pourra décider elle-même si elle souhaite m’accompagner ou non, même si, j’en suis persuadé, elle a déjà pris sa décision, et, même si je lui parlais d’affronter le Diable, en personne, elle me suivrait en enfer ! Mais je ne dirai pas tout, seulement le nécessaire.

- Je suppose que tu vas vouloir t’imprégner de mon affaire, alors, je vais t’en parler. Depuis quelques mois, je suis sur la piste d’une organisation de meurtriers, trafiquants d’organes, une organisation très bien hiérarchisée, et qui a des ramifications un peu partout dans le pays. Ils utilisent souvent des couvertures, comme des médecins, le dernier que j’ai croisé, était dentiste, par exemple. Et, j’ai mes raisons pour vouloir la disparition de ce groupe. J’ai remarqué plusieurs choses, ils ont de nombreux juges, et flics à leur botte, et il est fort difficile de les faire tomber par la voie normale, aussi, je me fie encore moins aux forces de l’ordre que d’habitude pour remonter la piste. Autre chose, dès qu’ils se sentent acculés, qu’ils craignent de voir l’un des leurs tomber, et qu’ils sentent une menace planer sur leur organisation, ils n’hésitent pas à tout couper, et éliminer eux même leurs membres compromis. J’ai un sacré paquet de cadavres derrière moi, dans cette affaire, sans avoir tué personne de mes propres mains.

Dès que j’irai mieux, je pourrai repasser chez moi, consulter les documents que j’ai et chercher des infos sur ce Szpinelli. Ou, peut être que Lu peut me faire gagner du temps sur ce sujet, et je peux ainsi lui montrer que je lui fais confiance.

- Bon, je vais te dire, mais, fais attention, c’est ma seule piste pour le moment, lors de notre entrevue sur la plage, mon traitre d’ex-informateur, croyant qu’il allait m’abattre m’a lâché le nom de son commanditaire. Si tu le souhaites, le temps que je me remette un peu, peux-tu te renseigner sur un certain Szpinelli ?

Je la regarde, en me demandant si elle apprécie le geste.

Un lien avec le kraken, je m’en doutais quelque peu, mais, pour le moment cette organisation n’est pas dans ma ligne de mire, j’ai assez de ces trafiquants à éliminer.

- Ca correspond bien à leur mode de fonctionnement, dès qu’ils ont une branche compromise, ils font tout disparaitre, et éliminent tous ceux qui pourraient, d’une façon ou l’autre, permettre qu’un enquêteur remonte jusqu’à eux. Je suppose que, pour les forces de l’ordre locales, ces disparitions brisent à chaque fois les pistes disponibles. En revanche, à ce jour, je n’ai pas l’intention d’entrer en guerre avec le kraken, seule cette organisation m’importe, et le kraken pourrait, en revanche, être une arme contre eux, si je parviens à leur faire admettre que mes cibles les doublent, il faudra voir comment les choses évoluent, avec le temps.

Et quand elle me tend ses dossiers, je ressens un peu de satisfaction, elle accepte que nous jouions franc jeu tous les deux, et ça me va, pour le moment. Je feuillette les documents, j’analyse scrupuleusement les rapports d’autopsie, et les photos. Quelque chose me saute aux yeux, par rapport à l’une d’entre elles.

- Le légiste qui a effectué cette autopsie a commis une erreur, le rapport ne colle pas avec la photo qui accompagne le dossier, et la bourde me parait trop grosse pour être de bonne foi. Il n’aurait pas remarqué que les coups de couteau avaient été administrés post mortem, et il n’y a pas d’analyse toxicologique. Que sait-on sur cet homme ?

Et je continue à observer les dossiers, des rapports, des photos, mais, rien d’autre ne me parait digne d’intérêt, à part une photo, concernant une enquête, l’image est de bonne qualité, et la scène de crime, en elle-même ne me semble pas d’une grande pertinence, cependant, en arrière-plan, parmi les badauds, mon œil exercé a détecté quelque chose d’intriguant.

- Tu aurais une loupe puissante, ou quelque chose dans le même genre ?

J’ai l’impression de distinguer ce fumier de Dave, et, quelqu’un à ses côtés. Puis, je me tourne vers Lu, et je prends quelque chose dans ma poche, que je lui tends.

- L’adresse et les clés de mon appartement, tu y trouveras mes documents, les résultats de mes recherches, si ça peut t’aider. Autant collaborer à fond alors. Si tu peux me ramener la pochette bleue qui se trouve sur le bureau, et n’hésite pas à consulter ce dont tu auras besoin.

Ce que je lui donne, devrait lui donner des opportunités de recouper ses informations, avec les miennes, et avancer un peu. Bien que le principal fût enfermé au fond de ma tête, ou bien caché dans des endroits difficiles d’accès. Et elle n'y trouvera rien de personnel non plus, car je ne laisse jamais de traces de mon identité nulle part là où je vis, afin que nul intrus ne puisse faire le lien entre l’appartement et son locataire.